COUP DE THÉÂTRE AU PORTUGAL, par François Leclerc

Billet invité.

Bien qu’arrivé derrière le PSD (droite) en nombre de voix aux élections législatives, le parti socialiste portugais est à l’initiative et pourrait décider de former un gouvernement avec l’appui inattendu du parti communiste et du Bloc de gauche (extrême-gauche). Ces deux dernières formations, à la grande surprise des États-majors politiques et en dépit de leurs divergences avec le PS, ont décidé de le soutenir s’il décide de constituer un gouvernement. A eux trois, ils disposent en effet de la majorité à l’Assemblée.

Les bases d’un accord de gouvernement sont étudiés dans l’urgence, car ce projet était absent de la campagne électorale. Pour le PC et le Bloc, barrer le retour de la coalition de droite est considéré comme prioritaire, et l’accent est mis sur la défense de l’emploi, des salaires et des retraites, laissant de côté les sujets qui divisent, comme l’appartenance à la zone euro que le PC réprouve.

Antonio Costa, le leader socialiste, a été dans un premier temps suspecté de vouloir faire monter les enchères dans ses négociations avec une coalition de droite à la recherche de son soutien parlementaire, dans le but d’obtenir de plus fortes contreparties. Mais il est vite apparu que l’option d’un gouvernement de gauche était plausible, comme le dirigeant socialiste l’a lui-même publiquement reconnu.

L’incertitude domine encore cependant, les partis de droite tentant de renouer le dialogue avec le PS, la droite du parti socialiste s’opposant au rapprochement avec les communistes et le Bloc de gauche, et la droite traditionnelle agitant les pires épouvantails, dont à ses yeux celui de la Grèce tout récent. Avant même de pouvoir soumettre sa décision aux instances de son parti, en fin de semaine, Antonio Costa est soumis à de fortes pressions. Elles s’exerceront également à Bruxelles, où il va se rendre jeudi afin de rencontrer ses homologues des autres partis socialistes européens qui avaient prévu de s’y réunir. Mais le dirigeant socialiste conserve la maitrise du jeu et l’option de gauche tient pour l’instant la corde.

Ce coup de théâtre, s’il devait se confirmer, interviendrait en prélude aux élections espagnoles du 20 décembre, qui vont être une autre paire de manches. En dépit toutes les difficultés qu’il annoncerait pour un futur gouvernement socialiste appuyé à gauche, l’existence de celui-ci confirmerait que la crise politique européenne n’est pas au bout de ses surprises, et que toutes les configurations sont possibles, après la coalition de Syriza et du parti de droite Anel en Grèce. Les élections espagnoles vont en fournir un autre exemple.